La paresse. Voici le programme : on se lève, projet : travailler ; on mange, projet : travailler ; il est deux heures, projet : travailler ; on dîne, projet : travailler. Etc.
— Georges Perros, Papiers collés
La paresse. Voici le programme : on se lève, projet : travailler ; on mange, projet : travailler ; il est deux heures, projet : travailler ; on dîne, projet : travailler. Etc.
— Georges Perros, Papiers collés
Il est impossible de parcourir une gazette quelconque, de n’importe quel jour ou quel mois ou quelle année, sans y trouver à chaque ligne les signes de la perversité humaine la plus épouvantable, en même temps que les vanteries les plus surprenantes de probité, de bonté, de charité, et les affirmations les plus effrontées relatives au progrès et à la civilisation.
Tout journal, de la première ligne à la dernière, n’est qu’un tissu d’horreurs. Guerres, crimes, vols, impudicités, tortures, crimes des princes, crimes des nations, crimes des particuliers, une ivresse d’atrocité universelle.
Et c’est de ce dégoûtant apéritif que l’homme civilisé accompagne son repas de chaque matin. Tout, en ce monde, sue le crime : le journal, la muraille et le visage de l’homme.
Je ne comprends pas qu’une main pure puisse toucher un journal sans une convulsion de dégoût.
— Charles Baudelaire, Mon cœur mis à nu
*
Ce que je reproche aux journaux c’est de nous faire faire attention tous les jours à des choses insignifiantes tandis que nous lisons trois ou quatre fois dans notre vie les livres où il y a des choses essentielles.
— Marcel Proust, Du côté de chez Swann
*
La lecture des journaux fait plus de mal que le vin, le tabac et les femmes réunis.
— Georges Perros, Papiers collés
George Parros, un joueur ordinaire.
À force de vivre je crois
que ce qui me reste de foi
je m’excuse c’est la paresse
Par paresse j’ai fait ceci
et cela que ne devais faire
Aussi bien me suis-je abstenu
non par morale ou par vertu
de travaux pour moi secondaires
et qui sont pourtant répandus
à tel point que ne pas les faire
est mal vu Si je vis en marge
c’est par goût d’une liberté
qui passe pour anecdotique
je m’en soucie peu Je n’ai pas
le complexe du temps passé
de ce que je fus même si
j’en dois tirer quelque avantage
Je recommencerai demain
à n’être que ce rien de rien
qui n’a dans les mains dans les poches
dans le crâne que ce rien-là
et ce n’est pas parce qu’en vers
très contestables d’un côté
comme de tout autre aussi bien
je proclame ma nullité
qu’il faut la prendre à la légère
Je me passe très bien de tout
ce qui peut faire vivre un homme
J’ai besoin d’un peu d’argent pour
qu’on mange autour de moi Je fais
rien que pour cela nécessaire
Bref déjà mort pour vous pour vous
mes amis que j’aimais tant voir
mais dénués de la tendresse
que je trouve parfois sans rire
au coin d’une ruelle où bat
le linge mouillé que la nuit
va rendre sec Tant pis pour moi
qui n’aime que la solitude
et qui ne tourne dans mon lit
que par désir d’y retourner
Mais les hommes sont trop fermés
les hommes aussi bien moi-même
j’en suis un à ne pas douter
mais qu’est-ce qu’un homme Et je m’aime
un tout petit peu Il le faut
pour supporter l’amour des autres.
Mais on m’a déjà dit souvent
que le moi n’était bon prophète
que dans l’absence stupéfaite
d’un miroir sans équivalent
Tout ce que j’ai fait dans ma vie
ou négligé de faire c’est
moins par volonté que besoin
de m’étonner d’être autre chose
que ce corps qui me trahirait
sans crier gare un jour prochain
et sans m’avoir laissé le soin
de le finir en juste cause.
— Georges Perros, Une vie ordinaire
Sans la littérature, on ne saurait ce que pense un homme quand il est seul.
— Georges Perros, Papiers collés II
On meurt de rire on meurt de faim
On meurt pour blessure à la guerre
On meurt au théâtre à la fin
D’un drame où le ciel est par terre
Il est cent façons de mourir
Pour vivre on est beaucoup plus sage
Il s’agit de savoir moisir
Entre l’espoir et le fromage.
— Georges Perros, Poèmes bleus
CONSTAT
Les travaux sont ennuyeux
Comme le plus long dimanche
Qui fût jamais sous les cieux
Les travaux ferment les yeux.
Mieux vaut traverser la Manche
Sur le dos d’un requin bleu
Que de perdre une heure ou deux
A bien retrousser sa manche.
La paresse est fille aînée
De la liberté, depuis
Qu’au fond du céleste puits
La vérité s’est cachée.
Oisiveté, ma favorite
Tu fais des noeuds d’un ennui
Qui sans toi, vers l’infini,
Rendrait ma chance petite.
— Georges Perros, J’habite près de mon silence