Que feriez-vous sachant qu’il ne vous reste qu’une journée à vivre ? À cette grave question, un sage oriental répondait laconiquement, comme il se doit : « Je planterais un arbre. » Que peut-on léguer de plus prometteur qu’un être vivant capable de fournir ombrage frais et chaleur odorante, fleurs et fruits, capable d’assainir l’air ambiant ? Un arbre, c’est l’union verticale du ciel et de la terre, c’est le gîte des oiseaux, des cigales et des écureuils. Un arbre, c’est la table sur laquelle je suis en train d’écrire qu’une des plus grandes trouvailles de l’homme, c’est encore le papier, qui, du reste, dans presque tous les pays du monde, est fourni par l’arbre ! On fait pousser des arbres pour une infinité d’usages, mais j’ai un faible pour ces grands feuillus qu’on plante près des maisons pour souligner une date importante de la vie. Je ne cesse de rêver quand je circule en voiture : tiens, ce chêne superbe est une petite fille blonde née il y a cent vingt-cinq ans, ce peuplier orgueilleux est un amour qui dit au monde qu’il ne mourra jamais, cet arbre exotique dans le parc de la ville est un cadeau d’une pays qui n’existe même plus ! Oui, on devrait planter des arbres, ne serait-ce que pour les voir rougir à l’automne, disait à peu près H. D. Thoreau.
— Pierre Morency, « Un sucrier haut en couleur », l’Œil américain