La brièveté est essentielle. J’incline à penser que j’écris des romans courts — densifiés, ressérés, dégraissés — plutôt que des nouvelles. Je rêve d’un roman plus pur que l’autre, le long — « aujourd’hui, je vais fabriquer un petit roman de trente pages », disait Lautréamont. Je suis toujours surpris de l’entensivité de cette baudruche qu’est le roman, ce fourre-tout emcombré de digressions, de dialogues, d’effets de vérité, où l’énonciation se perd : le bouillon est trop allongé, elle s’y noie. Il est vrai que les thuriféraires du genre vantent cette souplesse infinie : mais je ne peux m’empêcher d’y voir de la mauvaise foi, une impuissance maquillée en triomphe. Ce que je recherche, c’est peut-être l’épure du roman, son minimum vital, ce qui lui suffit : quelque chose comme ce que fut le sonnet à tout le champ de la poésie, cette petite prison de quatorze vers essentiels en regard d’unités poétiques certes plus souples, plus longues, plus libres — mais grevées d’inessentiel.
Je voudrais que, le livre une fois refermé, l’épure de ce récit minimal soit claire au lecteur, strictement évidente et longuement résonnante comme le sont les rimes d’un sonnet. Cette joie de la totalité embrassée et comprise est évidemment inaccessible au lecteur de roman, dont la lecture entrecoupée a pu durer une semaine, et à qui ne reste, le livre fini, qu’une tonalité générale, un feeling : une vague frustration accompagne cette trop grande liberté de lecture. Pour parler franc : le récit bref permet de tenir en main le lecteur, de lui interdire la lecture plurielle, de lui ôter sa liberté et de le charmer au sens fort. S’il joue le jeu, s’il se laisse prendre, il en peut tirer je crois des gratifications plus enivrantes, plus archaïques.