Mes abeilles couvrent deux mille cinq cents kilomètres carrés de terres dont je ne suis pas propriétaire, à la recherche de leur pitance, butinant de fleur en fleur pour lesquelles je ne paye aucune location, volant le nectar, mais en retour pollinisant les plantes. C’est une forme d’agriculture anarchique et paisible, et de gagner ainsi sa vie exerce sur moi un tel attrait par son côté sauvage, erratique, maraudeur qu’il me rend inapte à toute autre méthode, sauf peut-être le cambriolage de banques.
Il est un autre attrait, plus fort encore pour moi : ces périodes de l’année consacrées au travail dix ou douze heures par jour avec les abeilles qui ne sont, tout compte fait, que des insectes. Mais quand je passe mes journées en relations étroites avec des créatures dont la structure est si différente de celle des humains et qui vivent leur vie de façon si différente, je me fais l’effet d’un visiteur dans un monde étrange mais d’une ineffable séduction.
— Sue Hubbell, Une année à la campagne (trad. Janine Hérisson)