[…] quand vous parlez à un homme socialement technique, il ne rêve que du temps où les machines feront tout le travail, où l’homme ne travaillera plus — c’est-à-dire respirera à la surface, croit-il — ne travaillera plus que quelques minutes par jour à pousser des boutons de machineries ou à lever et baisser des commutateurs. Et qu’est-ce qu’il fera le reste du temps, lui demandons-nous ? Et il nous répond : il se cultivera ; quand ce pauvre homme a oublié, ne sait pas, ne peut pas savoir, dans sa postion antinaturelle, que la vraie culture de l’homme c’est précisément son travail, mais un travail qui soit sa vie, ce qui, évidemment, n’est le cas pour aucun travail technique.
[…] On ne peut pas savoir quel est le vrai travail du paysan : si c’est labourer, semer, faucher, ou bien si c’est en même temps manger et boire des aliments frais, faire des enfants et respirer librement, car tout est intimement mélangé, et quand il fait une chose il complète l’autre. C’est tout du travail, et rien n’est du travail dans le sens social de travail. C’est sa vie.
— Jean Giono, « Lettres aux paysans sur la pauvreté et la paix », Écrits pacifistes