L’écrivain a la responsabilité de donner droit de cité aux gens qui ne connaissent que la tristesse et le désarroi.
Farah
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Des moulures de chêne grimpent jusqu’au plafond, sillonné de solives taillées dans le même bois. J’avance en direction d’une porte de cuivre munie d’un hublot typique des ascenseurs des années trente, surmontée des armoiries de la Ville de Montréal, qui comportent une fleur de lys, un lion et une feuille d’érable. À gauche comme à droite de la porte cuivrée, j’aperçois à travers des vitres les immenses salles où, m’a expliqué Candice, s’activent des pompes monumentales.
J’entre dans l’ascenseur qui me mène trois étages plus bas, devant un tableau de contrôle gris, digne d’un vaisseau spatial avec ses manettes, ses cadrans et ses boutons multicolores.
J’ouvre les vannes d’interconnexion qui vont me permettre de traverser les quatre citernes de béton construites à l’intérieur d’une cuve énorme, forgée à même le ventre du mont Royal.
Je descends sous les pompes et me trouve désormais plusieurs étages sous le niveau du sol, dans l’une des milliers de chambres de vanne de la ville. Je me fraie un chemin à travers des conduites d’un mètre de diamètre, qui transportent l’eau à un débit tel que je ressens un terrible vrombissement en posant ma main sur leur surface rouillée.
Heureusement, l’obscurité n’est pas totale : les plaques recouvrant les trous d’homme à la surface de l’avenue McGregor laissent percer de fins filets de lumière. Par contre, la perspective d’être si loin sous terre provoque des angoisses qui m’engourdissent le visage. Pour tenter de me calmer, je me concentre sur mes déplacements.
— Alain Farah, Pourquoi Bologne