Travailler au fond du conduit devenait de plus en plus difficile. Nous devions élargir les fondations à la base du puits, ce qui ne pouvait se faire qu’au marteau-piqueur. Tamati nous descendit à tour de rôle dans la nacelle, à la profondeur voulue, et c’est suspendus dans l’espace que nous perforions la paroi rocheuse. Il n’était pas aisé de creuser en se balançant avec un outil aussi lourd, qui avait tout de l’animal rétif, tant il se cabrait et tressautait. Pour tout arranger, la nacelle tournait fréquemment sur elle-même au bout du filin de la grue et rebondissait sur le rocher. La muraille ruisselait d’humidité et la perforatrice renvoyait des projections de pierraille et d’eau qui me cinglaient le visage et les mains. Habituellement je fermais les yeux en forant. Des pierres se détachaient par blocs, culbutaient dans la nappe d’eau, et c’est plus d’une fois que l’outil en m’échappant faillit suivre le même chemin. Au début, l’étroit conduit rendait le bruit insupportable. Toutefois, jour après jour, mon oreille s’y accoutumait, et je n’étais plus gêné. Par mesure de sécurité, Tamati devait demeurer aux commandes de la grue lorsque l’un de nous était en bas. Mais il s’écoulait de longs moments sans qu’il eût rien à faire, de sorte qu’il pouvait bouquiner, installer dans la cabine jaune. La plupart du temps, c’est Chug et moi qui étions au forage, sauf en de rares occasions où Ron nous remplaçait quand il n’était pas occupé ailleurs sur le chantier.
— John Cranna, « Accidents », les Visiteurs (trad. Joëlle Piloquet)