Alors… l’été avança, chaud et sec et magnifique, si magnifique que ça vous brisait le cœur de le voir en sachant qu’il n’était pas éternel : cette lumière éclatante vibrant au-dessus du désert, les montagnes pourpres dérivant sur l’horizon, les houppes rose des tamaris, le ciel sauvage et solitaire, les vautours noirs qui planent au-dessus des tornades, les nuages d’orage qui s’amassent presque chaque soir en traînant derrière eux un rideau de pluie qui n’atteint que rarement la terre, la torpeur du midi, les chevaux qui se roulent dans la poussière pour sécher leur sueur et se débarrasser des mouches, les somptueuses aubes qui inondent la plaine et les montagnes d’une lumière irréelle, fantastique, sacrée, les cactus cierge qui déploient et referment leurs fleurs le temps d’une seule nuit, les rayons de lune qui tombent à l’oblique par la porte ouverte de ma chambre, dans le baraquement, la vue et le bruit de l’eau fraîche tombant goutte à goutte d’une source après une longue journée dans le désert… Je pourrais citer mille choses que j’ai vues et que je n’oublierai jamais, mille merveilles et mille miracles qui touchaient mon cœur en un point que je ne maîtrisais pas.
— Edward Abbey, le Feu sur la montagne (trad. Jacques Mailhos)