Ayant honte de vivre pour le plaisir, nous trouvons lʼalibi du travail, qui rend méritoire le plaisir de vivre, et nʼaccède à sa vertu sociale quʼaccompagné du soupir de lʼeffort, attestant du sérieux que nous y mettons. Ainsi sʼéparpille dans les diverses phases du scrupule notre plaisante existence.

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Il croit qu’il suffit d’être lassé de sa femme pour que toutes les autres femmes soient lassées de ne pas être avec lui.

Il est nécessaire de préciser qu’il s’agit de contemporaine, car on voit mal sinon quelle autre qualité lui attribuer.

La vieille dame courbée, croisée dans la rue, a l’air d’avoir obtenu de son cimetière la permission pour la journée.

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La vie active consiste à tenir assis sur une chaise, le regard perdu dans le vide, pendant huit heures consécutives.

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Un homme lit Freud dans le train. Il lève de temps en temps la tête, et dévisage quelques voyageurs, pour vérifier.

Toutes nos publications témoignent d’une grande activité psychique, laquelle n’intéresse strictement personne.

Comme un dîneur au restaurant consulte le menu, je rêve d’écrire le livre qui susciterait pareille attention.

J’aime que mon cerveau de singe m’indique sans hésiter l’interrupteur de la salle de bains.

À mesure que ses parents deviennent gâteux, ses textes gagnent en précision sur ses vices.

Choisir entre l’angoisse métaphysique solitaire et l’angoisse psychologique conjugale.

Les acteurs ont un trac terrible. Les spectateurs luttent contre le sommeil.

La subversion est un petit luxe qui permet de respirer dans l’ordre.

Tous les porteurs de ski ont l’air d’aller se faire crucifier.

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Avec la télévision, la plupart des gens ne sont pas chez eux.

Entre deux mots rares, il renifle pour rassurer l’auditeur.

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Un bon livre est un coup de fouet dans le vide.

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Je dois ma grande solitude à la sexualité.

— Éric Meunié, Poésie complète