Mon âme, c’est quarante années de menus événements, de pensées, de gestes, quarante années de paroles, toujours les mêmes. Ce que j’appelle mon âme, c’est une carcasse, usée déjà plus qu’à demi, avec des poils, des plis, des cicatrices et des durillons. C’est un canapé que vous ne connaissez pas, mais qui n’est pas dépourvu d’expérience. C’est un lit qui représente presque quinze ans de moi. C’est une vieille commode en merisier, un buffet Henri II et quelques chromos sur une muraille. C’est une vieille maison, une rue sans soleil. Et quoi encore ? Une ville que je porte sur ma peau, comme une tunique suffocante, depuis ma naissance, et qui pense, pour moi, la moitié de mes pensées. Et quoi encore ? ma mère, ma femme, des souvenirs…

— Georges Duhamel, le Club des Lyonnais