Certains hommes, poussés par une raison obscure, essaient de se situer dans le monde, de trouver un sens à la destinée humaine ; ils errent, ils cherchent, ils se démènent… et ainsi de suite, indéfiniment, jusqu’à leur mort. J’en fais partie. Est-ce ma faute ? Est-ce notre faute si nous sommes ainsi faits ? Qui a semé en nous l’inquiétude et cette poursuite, mes bien-aimés, frères et sœurs dans l’inexplicable souffrance, dans l’honnêteté, dans l’attention et l’impuissance ? Quel prix nous payons pour être ce que nous sommes ! Est-ce notre faute si nous avons les yeux et les oreilles ouverts, si nous voyons et entendons, si les choses sont ce qu’elles sont, si elles ne sont pas gaies, si c’est le chaos, si elles sont tristes, et si elles le seraient un peu moins si l’on freinait un peu les instincts égoïstes ?

Est-ce notre faute si nous sommes devenus en quelque sorte des dégénérés ? Si nous sommes un peu différents de la plupart des gens ? Nous ne sommes pas meilleurs ; nous sommes différents, inadaptés, nous avons un plus gros fardeau sur le dos, une plus grosse pierre sur le cœur, une épingle plus pointue dans la tête.

— Edward Stachura, Me résigner au monde (trad. Laurence Dyèvre)