Ainsi le glacier est un immense fleuve de glace, et bien que son extrémité, emprisonnée sous les eaux, ait une tendance à s’élever, elle est longtemps retenue par l’action de la masse à laquelle elle appartient ; elle continue à plonger jusqu’à ce que la force d’émersion, augmentant toujours, fasse éclater des fragments qui remontent aussitôt à leur niveau naturel ; ces fragments peuvent être des cubes solides d’un demi-mille de côté ou même davantage. La disruption ne s’accomplit pas sans un grand tumulte des eaux, et un fracas qu’on entend au loin. La masse de glace flotte en liberté ; les oscillations que lui avait imprimées cette soudaine rupture finissent par se calmer, puis le bloc de cristal s’abandonne au courant et dérive avec lenteur vers la haute mer. C’est une montagne de glace, un iceberg, maintenant : le glacier a accompli le rôle que lui assigne, dans les régions polaires, la grande loi de la circulation.

— J. J. Hayes, « Voyage à la mer libre du pôle arctique », le Tour du monde