Quiconque a un jour observé une croûte de fromage au microscope ne peut se leurrer sur la vacuité de nos existences. En regardant à travers la lunette, on voit des acariens (appelés « artisons ») vaquer à leurs occupations. On ne sait quelles pensées s’agitent derrière leurs yeux noirs, ni vers quel rendez-vous ils se hâtent. On ignore s’ils ont des joies, des peurs ou des souvenirs. Mais en les regardant, on comprend que nous sommes, comme eux, des insectes insignifiants, voués à la mort et à l’oubli, perdus dans l’infinité de l’Univers sans cesse en expansion. Cette idée est insupportable. Pour ne pas y penser, l’humain est obligé de faire diversion. Ceux d’entre nous qui ne se démènent pas pour leur survie s’occupent à n’importe quoi d’autre : ils déclenchent des guerres ou militent contre l’immigration. Ils s’accrochent à leurs certitudes, collectionnent des fèves ou des boîtes à biscuits, signent des pétitions, baisent tant qu’ils peuvent, bricolent par-ci par-là, se passionnent pour des polices d’assurance, repassent leurs slips, font des réunions ou achètent la dernière voiture toutes options. Tout, plutôt que regarder la mort en face.
— Clémentine Mélois, Alors c’est bien