Ni l’un ni l’autre, nous ne connûmes vraiment le bonheur par la suite. Je ne vis plus qu’en de très rares occasions, plutôt anodines, les signes de son tempérament délicieusement déraisonnable, de sa passion incontrôlable ; le mariage semblait la brider, la restreindre, réfréner son exubérance naturelle – en anticipation de la maternité. Et moi… ? Je m’installai tout bonnement dans la routine du mariage. Le vieux rêve d’abandonner l’enseignement et de peindre à temps plein était constamment reporté aux calendes grecques – non plus parce qu’il était jugé, comme Nelia et ses parents l’avaient fait, indigne et excessivement romantique mais parce que je ressentais désormais la nécessité de subvenir aux besoins de mon épouse, pas de fuir la réalité. Pourtant, jamais plus je n’eus l’impression d’être libre. J’avais pris une décision, mais sans aller jusqu’au bout de ma liberté. Je n’arrivai jamais « de l’autre côté » de quoi que c’eût pu être. Je ne pourrais jamais espérer mieux qu’un entre-deux. Ce qui était mieux que rien. Non ?

— André Brink, la Porte bleue (trad. Bernard Turle)

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