Nous voulons fuir, nous échapper, mais nous ne le pouvons plus. Ils nous ont (et nous nous sommes) condamné toute porte de sortie. D’un seul coup, nous nous rendons compte qu’ils nous ont (et que nous nous sommes) enfermés entre quatre murs. Alors il ne nous reste plus qu’à attendre d’en étouffer. Nous pensons alors souvent qu’il vaudrait sans doute mieux être sourd et aveugle, en plus des autres infirmités qui nous paralysent, car alors nous ne verrions plus l’inexorable fatalité de ce qui nous entoure, nous n’entendrions plus rien ; mais en cela aussi nous nous fourvoyons. Nous avons toujours voulu guérir, là où nous ne pouvions plus espérer une guérison devenue impossible. Nous avons toujours voulu nous échapper alors qu’il n’était plus question de le faire.

— Thomas Bernhard, « Montaigne. Un récit », Goethe se mheurt (trad. Daniel Mirsky)