Dans un livre, pourtant, j’ai découvert une théorie intéressante. Les êtres humains sont incapables d’échapper à des tendances personnelles déterminées, affirmait l’auteur, et c’est valable pour les mouvements physiques comme pour l’activité mentale. Les êtres humains construisent et renforcent leurs propres tendances mentales et comportementales au cours de leur vie sans même s’en rendre compte, et sauf extraordinaire ces tendances une fois installées ne s’effacent plus. Autrement dit, les gens vivent enfermés dans la prison de leurs tendances. Et le sommeil, poursuivait l’auteur, agit en régulateur de ces tendances ; il a pour but de les harmoniser pour éviter un déséquilibre, comme avec un talon de chaussure qui ne s’userait que d’un côté. Le sommeil est un régulateur thérapeutique. Au cours du sommeil, les muscles utilisés dans la journée se détendent naturellement, les circuits de pensées survoltés s’apaisent, la décharge énergétique est facilitée. Ainsi les gens se refroidissent – cool down – comme un moteur, et cela est programmé dans tout organisme humain, personne ne peut y échapper. Si jamais on s’écartait de ce schéma, disait l’auteur, les fondements même de l’existence seraient menacés.

— Haruki Murakami, Sommeil (trad. Corinne Atlan)