Bost a beaucoup misé sur Faillite, un roman auquel il tenait particulièrement mais qui ne rencontra pas le succès qu’il espérait. Dans les mois qui suivent la publication, il se désole de la faible réception du roman : « Depuis ce temps, Faillite a paru, et peut-être déjà disparu. Sans bruit. À chaque livre nouveau se produit le même petit événement : on croyait qu’il aurait aux yeux des autres un peu, au moins, de l’importance qu’il avait aux yeux de l’auteur. Et puis non. Ils sont trop. On prend son numéro et l’on passe, comme au tourniquet. J’en prends un peu l’habitude ; il m’arrive de me consoler en pensant à plus tard, mais ce sont des choses qu’on ne dit pas trop, et qu’il ne faut pas dire. » […]

Malgré la déception de Bost, la réception de Faillite fut assez positive. […] Mais ces témoignages d’appréciation ne le rassurent que momentanément, ils ne suffisent pas à le conforter dans sa voie ; sa confiance est ébranlée : « Voilà vraiment ce qui m’a consolé, montré que, tout de même, le livre existe, que j’ai bien fait de l’écrire, que j’ai le droit d’espérer mieux maintenant. Mais justement, je crois savoir que mon prochain roman sera moins bon. Et ma grande hésitation vient de là. Tout se passe comme si j’avais moins confiance en moi. » Et il conclut : « En somme, si je compte bien, il y a à peu près un an que je n’ai rien fait. Durant toute cette année, j’ai surtout corrigé des épreuves. Et je me pose tant de questions, maintenant, sur ce que je dois faire, sur mes possibilités, sur mes devoirs et sur mes limites exactes, que je ne sais quand je recommencerai quelque chose. Et je comprends qu’un écrivain plus accessible à ce genre d’inquiétudes ait une vie bien tourmentée. Mon Dieu ! je ne voudrais pas en venir là ! Je voudrais travailler tranquille, et bien ! » Certes, les écrivains qui ne connaissent pas des périodes de doutes sont rares ; il est même probable que les meilleurs écrivains soient habités par le doute. Tout de même, la réaction de Bost indique qu’il traverse une période difficile.

— François Ouellet, « Le réalisme incisif de Pierre Bost », préface de Faillite, éditions de la Thébaïde