La tentation, souvent, peut surgir de renoncer, d’abandonner l’ouvrage en cours. Mais il y a une chose qu’il ne faut jamais perdre de vue dans les périodes de sécheresse ou de doute, c’est qu’il y a toujours quelque chose d’exponentiel dans le travail de l’écriture. Il y a un moment où, après de longs efforts infructueux, l’écriture, qui semblait nous résister, qui semblait se refuser à nous, se libère de façon continue dans des proportions grandissantes. Lorsqu’on cale sur un passage, il faut garder présent à l’esprit qu’on prépare le terrain à l’élan futur qui finira par porter notre travail. Ce n’est que par la régularité, par la constance dans l’effort, qu’on parviendra à activer ce côté exponentiel de l’écriture. Il faut être tenace. Que cela vienne ou non, que cela marche ou pas, il faut s’accrocher, tenir bon, serrer les dents, poursuivre les efforts dans la solitude et l’aridité. Car quelque chose d’invisible travaille en nous de façon souterraine et, quand la vague surgira, son déferlement sera proportionnel à la constance de l’effort consenti au préalable.

— Jean-Philippe Toussaint, C’est vous l’écrivain