Comment parvenaient-ils à inspirer un tel respect, ces professeurs d’anglais ? Comparés à ceux qui enseignaient la physique ou la biologie, que connaissaient-ils réellement du monde ? A mes yeux, et pas seulement aux miens, ils semblaient connaître exactement ce qui méritait le plus d’être connu. À la différence de nos professeurs de mathématiques ou de sciences qui se limitaient modestement à leur matière, ils cherchaient l’universalité. Bien qu’adeptes de l’analyse, ils n’auraient jamais laissé un poème ou un roman en lambeaux, telle une grenouille disséquée puant le formol. Ils les auraient recousus d’histoire et de psychologie, de philosophie, de religion et même, parfois, de science. Sans nourrir votre désir supposé de vous identifier au héros d’un roman, ils parvenaient à vous donner le sentiment que ce qui comptait pour l’écrivain n’était pas sans conséquences, aussi, pour vous.
— Tobias Wolff, Portrait de classe (trad. Elisabeth Peellaert)