Ensuite Rezak rentrait chez lui. Non pas dans les remises destinées aux employés, mais dans la cabane qu’il s’était construite de ses propres mains : une petite boîte en bois à façade de tôle, montée sur quatre gros pieds. Des dizaines d’années plus tôt, quand il avait encore vingt ans, il s’était brouillé avec ses demi-frères à propos de terrains qu’ils possédaient en montagne, quelques hectares bordés d’abricotiers, où ils cultivaient le blé et la pomme de terre. Vaincu, dépossédé par plus malins que lui, spolié, il était descendu dans la plaine, se jurant de ne plus jamais revoir sa famille. La petite boîte était devenue sa demeure et sa consolation. Quand il travaillait quelque part, il la montait puis, après s’être disputé avec les autres employés ou avec le patron – comme il n’y manquait jamais –, il la démontait et la transportait ailleurs. Car il gardait en permanence une petite réserve d’argent, de quoi payer le camion nécessaire pour tracter sa cahute, son nid, vers le nouvel endroit de son choix. C’était la garantie de son indépendance.

— Daniyal Mueenuddin, « Le petit protégé », la Saison des mangues introuvables (trad. Simone Manceau)