Mais que signifie être poète ? Depuis longtemps, Miłobrzeski ne trouvait plus de réponse à cette question. Quelle absurdité : être poète et ne plus avoir le sentiment de l’être ! Il avait également perdu l’impression d’exercer un métier défini. Parfois, il se sentait comme doit se sentir un homme qui fait mine d’être une balayeur de rue ou d’attendre quelqu’un alors qu’il est un agent de police. Il enviait les gens qui avaient une position sociale claire, les ingénieurs, les pharmaciens, les jardiniers qui travaillaient sur du concret et réalisaient des objets servant à des usages définis. […] Il fuma sans penser à rien, puis écouta une voix intérieure, faible et encore timide, qui essayait de le convaincre qu’il y avait encore quelque chose à faire en ce monde dans le domaine de la poésie ; il fallait juste rechercher activement des thèmes. Cette voix lui rappela aussi que quelqu’un avait dit : « Tant qu’une seule personne est curieuse de ce que tu écriras, écris… »

— Kornel Filipowicz, Romance provinciale (trad. Charles Zaremba)