Nous encombrons la terre avec nos inventions, sans imaginer qu’elles sont peut-être inutiles – ou nuisibles. Nous concevons d’ébouriffants moyens de communication, mais communiquons-nous les uns avec les autres ? Nous déplaçons nos corps en tous sens à une vitesse incroyable, mais quittons-nous vraiment l’endroit dont nous sommes partis ? Mentalement, moralement, spirituellement, nous sommes entravés. Qu’avons-nous réussi en aplanissant des chaînes de montagnes, en domptant l’énergie de puissants fleuves, en déplaçant des populations entières comme des pièces d’échecs si nous demeurons nous-mêmes les créatures d’avant, aussi agitées, misérables, frustrées ? Baptiser de progrès semblable activité est une illusion complète. Nous pouvons réussir à altérer la face de la terre jusqu’à ce qu’elle devienne méconnaissable pour son Créateur lui-même, mais si cela n’a aucun effet sur nous, quel sens cela a-t-il ?

Les actes sensés n’ont pas besoin d’agitation. Quand les choses sont sur le point de s’écrouler et de tomber en ruines, l’attitude la plus efficace pourrait être de rester tranquille. De qui réussit à réaliser et exprimer la vérité résidant en lui, on pourrait dire qu’il a accompli un acte plus considérable que la destruction d’un empire.

— Henry Miller, le Monde du sexe (trad. Guillaume Villeneuve)