Il pensait à cette impression qu’il avait maintes fois éprouvée d’avoir en la poitrine un immense oiseau captif – d’être lui-même cet oiseau prisonnier – et, parfois, alors qu’il peignait la lumière ou l’eau courante, ou quelque image de liberté, le captif en lui pour quelques instants s’évadait, volait un peu de ses ailes. Songeur, à demi étendu sur la mousse, Pierre entrevoyait que tout homme avait sans doute en sa poitrine pareil oiseau retenu qui le faisait souffrir. Mais lorsque lui-même se libérait, pensait Pierre, est-ce que du même coup il ne libérait pas aussi d’autres hommes, leur pensée enchaînée, leur esprit souffrant ?
— Gabrielle Roy, la Montagne secrète