La littérature serait donc ce pont suspendu jeté par-dessus la distance qui sépare l’un de tous les autres, par-dessus la distance qui sépare l’un de lui-même. Nous sommes peut-être tous semblables à celui-là qui est précipité dans un cachot, ne sachant pas si d’autres partagent son épreuve, qui perçoit soudain des coups frappés au mur, épelle des lettres qui composent des messages, ou écoute des chuchotements confiés aux canalisations ou à la paroi. Il découvre alors qu’il n’est pas tout à fait seul, que d’autres partagent son sort. Il peut vivre mieux, songer peut-être à s’évader un jour.
— Claude Roy, Défense de la littérature