Puis on apporta le cercueil dans la chambre. « Voilà, on ferme, se dit-il, tout sera détruit là-dedans, les soudures dureront quarante, cinquante ans, la tombe se maintiendra cent, deux cents ans, mais d’ici mille ans n’existeront plus ni le marbre, ni le bois, ni le zinc, ni le corps ; la terre se sera imprégnée de tout, tout sera prêt à créer de l’herbe et des fleurs. » Il se sentait tranquille, heureux comme s’il s’était libéré d’un cauchemar. Un jour au bord de la mer, il avait été subjugué par cette réflexion au sujet de son propre corps, tandis qu’il constatait que le sable fin résultait de la destruction de coquillages, autrefois vivants et vagabonds. Se tenant immobile, il avait pensé à son corps étendu après la mort dans ces débris du monde, pour se décomposer, devenir mêlé et indistinct, et se dissiper en dernier lieu dans le sel de la mer.

— Giovanni Comisso, Jeux d’enfance (trad. Soula Aghion)