LE MUR
Le père Rivoli a un mur. Ce mur longe une route. Et il est fort délabré. Les pluies et la pioche du cantonnier en ont miné la base ; les pierres, déchaussées, ne tiennent plus guère, et des brèches s’ouvrent. Il est pourtant joli, avec son aspect de vieille ruine. Quelques iris en couronnent le faîte, des linaires, des capillaires, des joubarbes poussent dans les fentes ; quelques pavots, aussi, se pavanent, frêles, entre les interstices des moellons. Mais le père Rivoli n’est pas sensible à la poésie de son mur et, après l’avoir longuement examiné, après avoir fait remuer les pierres branlantes comme les dents de la mâchoire d’un pauvre homme, il se décide enfin à le réparer.
— Octave Mirbeau, le Mur