Dans sa salle de travail du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, le correcteur K. tourne la tête, voit le flot interrompu des voitures qui défilent sur le pont Jacques-Cartier, tous ces gens de retour ou en route vers l’abattoir, et il se dit qu’il leur ressemble, qu’il est de plus en plus gris de jour en jour, de plus en plus mort, et il voit dans la fenêtre son reflet de cloporte.
À la fin de la journée, lorsqu’il sort de la tour grise du 600, rue Fullum, un vent glacé venu du fleuve lui souffle sur le corps et la neige crisse sous ses pas. Il a l’impression que le travail qu’il fait est vain, qu’il serait seulement utile — peut-être — si le système qui y conduit était efficace, si le Québec se donnait vraiment les moyens d’enseigner sa langue, sa littérature et celle des autres. Et il se dit que l’éducation devrait réellement donner aux élèves les outils — la maîtrise du français, une connaissance de l’histoire, des sciences, de la culture… — d’une réflexion critique sur le monde plutôt que de trop souvent ressembler à une longue traversée du désert menant à une vie qui semblera à plusieurs tout aussi désertique. Il repense à cet étudiant qui avait composé une belle ouverture sur Baudelaire en conclusion de sa dissertation et il craint que s’assèchent les dernières oasis.