Au coin de la rue, il s’arrêta pour regarder travailler l’équipe de démolition. La grande boule de métal venait s’abattre contre les murs, passait facilement à travers la brique et entrait dans les pièces, son poids paresseux butinant les cuisines et les salons. Tout ce qu’elle touchait vacillait et éclatait puis s’écroulait par terre. Après son passage, on voyait monter tranquillement un nuage blanc de poussière de plâtre. L’après-midi touchait à sa fin et, dans la zone toujours plus étendue où travaillaient les démolisseurs, il y avait un feu, nourri par les débris. Moses entendit l’air, doucement attiré par les flammes, il sentit la chaleur. Les ouvriers, entassant du bois sur le feu de joie, lançaient des baguettes de moulures comme des javelots. La peinture et le vernis fumaient comme de l’encens. Les vieux planchers brûlaient avec reconnaissance… c’était l’enterrement d’objets épuisés. Des échafaudages environnés de portes roses, blanches ou vertes tremblaient quand les camions à six roues emmenaient la brique tombée.

— Saul Bellow, Herzog (trad. Jean Rosenthal)