Mais, bien plus que la question des ressources personnelles, la question du temps à tuer l’inquiéta. Comment rompre, du jour au lendemain, avec cette habitude d’un bureau vous enfermant dans une pièce toujours la même, pendant d’identiques heures, avec cette coutume d’une conversation échangée, chaque matin, entre collègues. Sans doute, ces entretiens étaient peu variés ; ils roulaient tous sur le plus ou moins d’avancement qu’on pouvait attendre à la fin de l’année, supputaient de probables retraites, escomptaient même de possibles morts, supposaient d’illusoires gratifications, ne déviaient de ces sujets passionnants que pour s’étendre en d’interminables réflexions sur les événements relatés par le journal. Mais ce manque même d’imprévu était en si parfait accord avec la monotonie des visages, la platitude des plaisanteries, l’uniformité même des pièces !
— Joris-Karl Huysmans, la Retraite de Monsieur Bougran