D’un côté, j’aime cette vie qui me sourit ; je déambule agréablement de maison en château ; je donne l’exemple d’un être bien adapté, jouissant du meilleur de l’existence. D’un autre côté, j’adore m’emporter contre la marche du monde, m’indigner depuis mon fauteuil contre tant de changements fâcheux, déplorer l’enlaidissement des campagnes face aux paysages splendides où je séjourne… Je ne suis pas exactement un passéiste inconsolable ; mais, devant chaque nouveauté, je ne puis m’empêcher de mesurer aussi ce que nous perdons. La modernité m’enchante ; la fuite en avant me désole. J’apprécie les performances du train rapide, mais j’aime autant le vieil autorail dont on baissait les fenêtres pour pencher la tête au-dehors et se laisser fouetter par le vent parfumé. Et, surtout, je me demande pourquoi il serait plus important de regarder vers l’avenir que vers le passé, quand tout cela se vaut dans l’infinité du temps.

— Benoît Duteurtre, le Retour du Général