Pourquoi y eut-il rien plutôt que Dino Egger ? Voilà la question et, pour y répondre, il faudrait pouvoir qualifier le rien, avancer que peut-être le rien est le fruit de la réticence et que s’il n’en allait pas ainsi — si le rien n’était pas seulement la perspective ouverte en vain devant l’âne rétif —, il serait inconcevable et donc sans réalité pour notre intelligence comme pour nos sens. Il n’y aurait pas de rien. Le rien, s’il n’était défendu par cette résistance qui le constitue exclusivement, s’il ne tenait ainsi à rien, serait aussitôt conquis, comblé, occupé. Il serait occulté, rempli, encombré. Voyez ce qu’il advient d’un placard ou d’un tiroir vide. Le rien défini comme pure absence de choses porte un autre nom, l’effroi ou le vertige. Le rien est donc plutôt le refus des choses après examen. Un examen succinct, dégoûté, un examen malgré tout, une estimation. Non, non, non et non, dit le rien, sans passion, sans colère, mais avec une fermeté que l’on n’attendrait pas d’une notion aussi lâche. Non, c’est non. Et il n’y a pas de mais. Tout glisse sur le rien. Aucune adhérence, aucune adhésion. Quand fut émise la proposition Dino Egger, voici ce qu’il advint : les moyens et les possibilité se dérobèrent. La proposition Dino Egger était fondée pourtant, je dirais même qu’elle allait de soi et, plus encore, qu’elle s’imposait, mais inexplicablement les conditions nécessaires à sa réalisation, si faciles à réunir, se trouvaient sans cesse empêchées. Après examen, la proposition Dino Egger fut rejetée et, à chaque fois qu’elle fut réitérée, elle fut de nouveau rejetée.
— Éric Chevillard, Dino Egger