Ce qui m’intéresse dans le rêve, plus que son contenu, c’est sa tessiture, sa matière. La matière des rêves : fluide, diaphane, immédiatement éternelle. Mon ambition, quand j’écris, c’est de construire, selon la magistrale formule de Baudelaire, des « rêves de pierre » (« Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre »). J’aime l’idée que l’on puisse définir un livre comme un « rêve de pierre » : « rêve », par la liberté qu’il exige, l’inconnu, l’audace, le risque, le fantasme ; « de pierre », par sa consistance, minérale, qui s’obtient à force de travail, le travail inlassable sur la langue, les mots, la grammaire.

— Jean-Philippe Toussaint, « Construire des rêves de pierre », propos recueillis par Minh Tran Huy, le Magazine littéraire, numéro 490 (octobre 2009).