Quelle est, me dites-vous, la Pensée de Pascal qui m’est chère entre toutes ?
Mon goût s’est modifié avec le temps.
Avant ma détention, la Pensée où Pascal affirme que tout le malheur de l’homme vient de ne pas savoir demeurer en repos dans sa chambre, cette pensée me bouleverse, et je la fais mienne au point qu’il m’arrive parfois d’envisager sérieusement de me reclure.
Mais depuis ce geste que certains qualifient de crime, et que je considère, moi, comme un acte de pure logique, depuis donc que je vis claquemuré dans ma cellule, cette phrase m’irrite. Elle témoigne, ce me semble, d’un rejet des hommes et du monde fait de crainte et de circonspection bien plus que de courage. Aujourd’hui donc que mon destin m’a séquestré entre ces quatre murs, j’incline à penser, monsieur Jean, que tout le malheur de l’homme vient au contraire de ce qu’il reste enfermé, enfermé dans le giron de ses mères, enferré jusqu’à l’âme dans sa passion de s’abêtir, détenu volontaire dans ses petites prisons portatives et dans d’autres plus vastes qu’il partage avec son bétail.
— Lydie Salvayre, la Puissance des mouches