Et le romancier par qui j’avais appris à aimer la littérature québécoise, qui avait inspiré tant de jeunes écrivains, Lise Tremblay en tête, vivait encore de presque rien, comme l’étudiant qu’il était en arrivant à Québec à l’âge de 18 ans, dans un appartement à l’image de son style — plein de lumière mais dépouillé, minimaliste.
Et voilà qu’aujourd’hui, à l’âge de 71 ans, alors qu’il est sur le point de terminer l’écriture de son 12e roman (à paraître au printemps chez Leméac), il remporte le prix Gilles-Corbeil, le « Nobel québécois », le prix littéraire le plus important du Québec, doté d’une bourse de 100 000 $.
« J’ai calculé que ça payait mon loyer actuel pendant 10 ans, dit Jacques Poulin, joint au téléphone la veille de l’annonce du prix, présenté lundi dernier. Je suis très content parce que ça va me permettre de continuer d’écrire sans me soucier du matériel pendant un bout de temps. Du temps pour écrire, c’est le rêve! Pour moi, c’est le principal. Ça vient comme une percée de soleil dans une journée. Comme un cadeau. »
Jacques Poulin est un homme de peu de mots. De même, il vit de peu, se contente du minimum. « Je n’ai jamais eu de goûts luxueux, dit-il. J’ai toujours vécu dans des appartements plutôt petits. Je peux vivre avec 20 000 $ par année très facilement. » Mais cet argent, qu’il reçoit après Réjean Ducharme (« cette espèce d’étoile filante »), Anne Hébert (« pour qui j’ai beaucoup d’admiration ») et Marie-Claire Blais (« que j’aime »), entre autres, il ne le gardera pas pour ses vieux jours. « Car mes vieux jours, dit-il, c’est maintenant ! »