Ce jour-là, Nordstrom n’avait pas d’opinion particulière sur la rivière. Il se contentait de la regarder. Depuis quelque temps, il se lassait des opinions gratuites et tentait de s’en débarasser. Il se surprenait à penser, comme chacun : trop chaud, trop froid, trop vert, trop gras, trop épicé, vilain immeuble, vieilles savates, musique bruyante, femme paisible, homme obèse. Il savait qu’il était impossible d’éliminer toute discrimination mais il trouvait ennuyeux de se mettre en transe pour former des opinions sur toutes choses. Dans la mesure où il se sentait libéré de cette propension, il avait l’impression de devenir plus léger, plus fluide.

— Jim Harrison, Légendes d’automne (trad. Serge Lentz)